vendredi 12 mars 2010

La fraicheur du nouveau venu

Bonjour à tous,
j'ai la chance d'avoir un jeune frère, qui grâce à des études studieuses dans les arts, des années de lectures pointues, un métier au coeur de l'actualité sociale, mais surtout qui grâce à la supervision patiente, pédagogique mais toujours musclée d'un grand frère attentif s'avère être aujourd'hui un trentenaire plein de talent qui a promené pendant quinze jours son regard et ses pinceaux avisés sur les gens et les paysages du continent. Il nous honore ci-dessous de ses impressions. A part ses digressions jalouses et inutiles sur le tarin de votre serviteur, il a presque tout bon:



La fraicheur du nouveau venu.
Considérez cette accroche comme la tentative d'expression dilettante, tourista d'à propos, d'un béotien nubile, l'œil vierge et pas vitreux, deux semaines (c'est peu) durant, dans la patrie de Pinochio, là où les chiens sont libres d'aller se faire écraser où bon leur semble.
Loin de vouloir faire de l'ombre a nos deux pileux globes-trotteux aux pieds désormais bien cornés (where the hell are they ?), je me permettrai d'évoquer juste ces quelques pittoresques curiosités qui font l'émerveillement de l'éphémère badaud à même de se faire mettre une main d'autochtone dans la poche où gisent ses papiers, dès lors qu'il emprunte le métro Alsthom de Santiago, le quinzième jour de sa villégiature... rassurez-vous heureux lecteurs, l'intrusion du corps étranger demeura stérile et l'intégrité du bien, sauve.

"Pickpocket" en espagnol se prononce "pickpocket".


SANTIAGO pour commencer :
Vitrine bourgeoise du Chili, je répète à qui veut l'entendre que cette ville croulera plus facilement sous l'oseille de rafraîchissantes compagnies transnationales, plutôt que sous ses propres combles, dussent-ils subir les assauts d'un séisme de magnitude forte... Un coup de projecteur et deux coups de balai pour qu'il n'y paraisse presque plus le lendemain, respect des normes de construction parasismiques obligent. Le Chili n'est pas Haïti : pas de "favelas" à Santiago, donc moins d'anarchie urbaine, plus de fric et plus de flics aussi... outre la circulation "fleur de peau" des automobilistes, l'ordre y règne.
Mon autochtone d'hôte, alias Pépito (sur la photo), m'expliquait le soir même où la terre tangua, l'entretien toujours d'actualité d'une élite quasi-exclusivement militaro-policière à tous les échelons politiques et économiques du pays... un héritage qui tiendrait plus à la volonté par les "Chicago boys chiliens", d'imposer les doctrines économiques de Millton Friedman sous Pinochet, que de la tradition militaire bolivarienne révolutionnaire plus septentrionale du continent, n'en déplaise à Allende. Pour ce que j'en sais, je dirais du pays aujourd'hui :

"Infrastructures solides, tartes au citron, extraction du cuivre, agriculture saine, présence teutonne historique, Caca Cola, police militaire incorruptible parce qu'entretenue, sandwichs à l'avocat mâtinés d'un patriotisme gras, Captain Americo (voir photo) et bien sour Pisco (photo), sont les mamelles du Chili."
C'est donc pas 24 heures de coupures d'électricité et d'eau, quelques gravats au sol et quelques routes gondolées qui peuvent mettre à mal le dynamisme latin des métropolitains chiliens. J'aurai quand même une pensée pour toutes ces familles qui dorment probablement encore sur le trottoir, à l'abri d'une toile de tente, essentiellement vers l'épicentre, à quelques 600 km au Sud de l'ébranlée mais pas traumatisée capitale.
Le centre, lorsqu'on y accède a pied, si tant est qu'une voiture ne vous ait pas légitimement roulée dessus, propose son lot mercantile d'achalandages urbains, plutôt moderne... rien qu'une architecture barococo-hidalgue pour l'ancien (250 ans), et neo-mac Donald pour le neuf, palmiers et montagnes offerts. C'est tout de même impressionnant de voir ces grands quartiers d'affaires siéger au beau milieu des Andes petites et grandes.

Sûr que les couleurs, en plus de celles omniprésentes du drapeau chilien et d'une certaine marque de boisson nord-américaine (encore elle !), y chatoient sur les rares façades coloniales de quelques quartiers en périphérie... mais pour le reste, le décor y est tout aussi terne, quoique amplement vitrifié, et pollué, que n'importe quelle métropole occidentale moderne et sans passé. Et ces clébards errants, vautrés de tout leur long sur les trottoirs : nonchalants, ils traversent l'autoroute comme on traverse un parc... incapables, même de mordre.
Je retiendrai surtout de mon passage à Santiago, l'hospitalité de nos deux musiciens d'hôtes, ceux du "Moai Viajero Hostel": Pédro et Tonino, francophiles déclarés, qui me firent entrevoir de manière moins superficielle, les aléas sismiques des soirées chiliennes extra-touristiques. Leur Nord est au Sud ! Comprenne qui pourra...
Je leur adresse un chaleureux "salud !" de dessous la neige, du Sud de la France.

VALPARAISO :
Je referai pas la brochure du port, bien connue de tous... j'évoquerai juste le pittoresque des collines alentours, régulièrement repeintes d'un badigeon bien gras, trempé dans la palette chargée d'un fauviste alcoolique, dont l'élève dissipé aurait paraphé chaque touche d'un crayon malicieux... j'ai beaucoup aimé, si si ! Très agréable de s'y perdre. Un petit quelque chose de salé aussi, qui ne doit rien à la mer... une façade maritime pourtant... asymétrique, secrète, clinquante, labyrinthe fragile mais bien monté, aux rondeurs innombrables, qui vous font pénétrer la ville d'un rapport plus intime, comme c'est souvent le cas sur les hauteurs de certains havres, accidents de rivage qui sont autant d'écueils où viennent s'échouer les filets d'écume vive. J'emménagerai plus tard. Pour ceux qui s'en foutent, j'ajoute que les "pies de lemon" y sont succulentes, muy bien !
Il semble y avoir une émulation culturelle autrement plus vivante qu'à Santiago et je remercie Jorge Martinez, excellent graveur s'il en est, de nous avoir généreusement ouvertes les portes de son atelier tout aussi grandement que celles de son germanophile "jardin des délices".

LA SERENA :
Sous le soleil exactement, station balnéaire, on y arpente les plages du Pacifique à la manière italienne et on y boit du Pisco, ça c'est sour... mais pas seulement : il se trouve que des kilomètres de littoral y battent le pavillon rouge de cette insupportable boisson gazeuse de gringos yankees de merde, pour qui la coca n'est bonne qu'à boire ou à sniffer, alors qu'elle est si facile à mâcher... Mieux vaut poser son regard sur une méduse morte ! Enfin, tant que l'eau n'est pas trop froide, autant prendre un bain sans faire de vagues...




C'est fou la quantité de petits hôtels à ciel ouvert qui prospèrent au Chili ! Tous plus confortables et charmants les uns que les autres, même s'il y en a probablement de plus sordides. On s'y attarde volontiers dans leurs cours et leurs cuisines, bien après l'excellent petit déjeuner servi par l'hôtelière et bien après la fermeture des restaurants... à quelques conditions près de vétustés dont on fait vite abstraction quand l'eau n'est pas trop rare, je dois dire que celui-là où je soignai mes coups de soleil, fut vécu tel un second chez-soi.
Je félicite Réka qui nous y cuisina merveilleusement bien de beaux filets de poisson avec leur garniture de légumes qui contentèrent jusqu'au grand Bigle, d'obédience culinaire pourtant Mousseline. Arrosez le tout d'un fort bon pinard chilien comme il y en a malheureusement tant (sic), dégustez en bonne compagnie et vous atteindrez à la dilatation parfaite de tous ces corps caverneux qui vous constitue un homme de haut en bas... On peut dire que j'en aurai gouté au Chili, des plaisirs de bouche ! Et quand y'en a pour trois, y'en a pour cinq (voir photo) !

SAN PEDRO :
Aux pieds des Andes sèches, on y mangeait des cactus quand il en restait encore quelques-uns. Peu ont réchappé des hallucinants appétits de touristes narcoteux demeurés depuis sur l'Alti-Plano, quand ils ne sont pas devenus vigognes. Il y a quatre espèces de camélidés en Amérique Latine, deux domestiques et deux sauvages, respectivement :
Le lama,
L'avocat,
La vigogne,
Et le guatémaltèque.





Fait chaud là-bas ! C'est sec comme un coup de trique sur le dos d'une anorexique ! peu d'eau, peu d'oasis, donc peu de douches... ou alors si courtes, parce que superflues dans le fond, quoique tellement nécessaires après un séjour bolivarien...
Onéreux tripot d'exotisme en torchis ("daub" chez les Atacamènes), il n'y serait plus qu'une kyrielle d'agences touristiques et de pizzerias, s'il n'était le petit musée belge d'anthropologie. Lieu de villégiature très prisé d'une certaine bourgeoisie locale qui prétend affronter l'aridité ambiante en tongues, de l'atrium d'un café "lounge"... c'est certainement un coin de transit. Les truffes fureteuses de chiens errants ont encore de beaux jours au sein des richement garnies poubelles municipales.
Bâtie sur les sables mouvants où l'on pratique le culte de soi, c'est une ville fantôme qui s'y précise à terme, hors saisons, dans un sublime décor d'apocalypse... n'envisagez pas d'y faire une cure d'ascétisme pieux... les anachorètes les plus mystiques y sont voués au pêché... Le temps n'a de cours que pour ceux qui en manquent... il s'arrête à San Pedro moyennant quelques pesos.
Situées en bordure :
La vallée de la mort, la vallée de la Lune, frêles cathédrales minérales, œuvres du vent, et la volée de mes burnes contre une selle de vélo, sont incontournables.

Sud Ouest de la Bolivie :
4000 mètres d'altitude en 24 heures et même pas mal au crane ! Quatre jours de 4X4 obsolète et même pas mal au c.. ! 35° sans ombre et presque aucun coup de soleil.
Le sublime me donne des ailes...
Sais pas quoi dire tellement c'est irréel de beauté ce boursoufflé, cet improbable paysage andin... ce minéral vomi d'une richesse inouïe... cette éructation de viandes célestes faites terre... ces turgescences et ces flaques de Titans... préfère encore laisser parler mes ridicules crobards de ces quelques magistrales montagnes dégueulantes de cuivre bleu, de souffre jaune, de veinules blanches, de machin rouge, de cactus verts, de touffes d'herbe jaune, de protubérances mousseuses, de sable gris, de déserts ocres, de rochers jetés là de la main d'un géant furieux, de ces quelques lagunes blanches, vertes, rouges et autres salars à vous couper l'oxygène pour de bon.
Pas de demi-teintes ici, j'en veux pour preuve la vêture locale traditionnelle, leur toute saturée teinture textile. Voyez l'interprétation géologique et minérale de Mantegna sur la prédelle du Retable de San Zeno...

Une région aux dimensions insoupçonnables, totalement vierge de toute présence vivante autre que des soldats, des mineurs, des éleveurs de lama et bien sûr des touristes.
Vous cherchez de l'eau consommable ? il n'y en a déjà plus ! Exubérances minérales à gogo, indigence publique à la pelle, le panorama est aussi fascinant qu'est pauvre le pays... l'environnement aussi somptueux que les cités sont sales. Mais qu'est-ce que caguer dans une poubelle payante homologuée "chiottes publiques", dernier rempart national face aux concessions minières étrangères, quand il vous est permis de bronzer des fondements sur un salar, 4000 mètres au dessus de la mer ?

Même si l'urine de touriste se monte à 100 $ le jet dans la lagune, vous restez libre de vous retenir jusqu'à la prochaine madame pipi dont les semblables font bien moins de cas de leurs propres déchets à l'orée des villes... mais je prétendrai pas juger la société bolivenne que je ne connais pas et qui a bien du mérite de tenir à cette altitude sans infrastructures autres qu'étrangères, minimalistes par la force des choses, ou touristiques... j'ai juste eu l'impression d'approcher de loin un peuple homogène et fier qui ne s'embarrasse plus que de sa coca quotidienne.
Le lama qui crache et qui pète, a bien ça de commun avec le coq sur son fumier, qu'ils peuvent tous deux être hautains et coquets.
Mes hommages au chauffeur Pédro qui par une piste impraticable (autoroute locale), nous convoya de nuit, sans essuies glaces et sous la pluie.


Durant ce séjour, j'ai croisé tellement de touristes francophones que j'en perdis mon latin.
Handicapé de la langue, il m'était loisible de communiquer avec l'autochtone par l'entremise de compatriotes linguistiquement plus dégourdis que moi. Mais l'usage répandu du français parmi les promeneurs et mon laborieux baragouinage d'anglais impénétrable dans l'oreille indigène, ne m'eut certainement pas suffi à frayer tel que ce fut le cas, comme un poisson dans l'eau, dans les méandres du quotidien latino, sans l'aisance et la méthode de Réka et Nico qui m'assurèrent tout le confort d'un circuit balisé de A comme "atención !", à Z comme "zig-zag".
Je leur dois une vingtaine de jours qui feront date dans l'histoire de mon élévation personnelle d'un niveau supérieur à celui de la mer.

Pour tous les soins généreusement prodigués par elle et qui firent le salut de mes tendres pieds et son incontestable maintien dans le véritable ordre du grand Orient des médecins, pour toutes ses frappes chirurgicales en mots comme en images par delà la culture d'ananas en terrain plat, je dis : "Merci à toi la Hongroise !"
Et pour le reste frangin : y'a guère que ton nez qu'il faut changer...
Mes gratitudes béates pour l'aventure de toutes vos initiatives dans un Nouveau Monde qu'il m'a été donné d'effleurer grâce à vous deux.
Richard.

Et pour tous les croquis du gamin ainsi que pour un dernier rappel des des photos du Chili et de la Bolivie qvec Richard, c'est ci-dessous:


Chili, Bolivie, dernier rappel

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